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Michel Foucault: l'acceptation tumultueuse

"Il n'y aura pas de civilisation tant que le mariage entre hommes ne sera pas admis"

Né à Poitiers, le 15 octobre 1926, dans une famille aisée (son père est chirurgien et sa mère médecin) Michel Foucault vit très mal son homosexualité, se drogue et tente plusieurs fois de se suicider sans résultat. Il deviendra un des plus grands philosophes du 20ème siècle.


En 1950, il est diplômé de l'Ecole normale supérieure puis reconnu comme philosophe en 1951. Il est, grâce à l'appui de Georges Dumézil, un linguistique français, successivement lecteur de français à Uppsala, Varsovie, et Hambourg.

Plus tard, l'ambassadeur de France à Varsovie apprend que le jeune amant actuel de Foucault est secrètement chargé par le gouvernement communiste d'espionner les milieux diplomatiques. Leur aventure découverte vaudra au philosophe l'hostilité de certains dirigeants universitaires. Lorsque la révolte étudiante de mai 1968 éclate, Foucault est professeur à Tunis. A ce même moment paraît Les Mots et les Choses dont le succès est énorme.

Après ce succès, Foucault assume sans complexe son homosexualité et nomme même comme assistant son amant le plus fidèle, Daniel Defert, qui l'accompagnera jusqu'à sa mort. Tout ça, après la rupture d'une liaison de jeunesse avec le compositeur Jean Barraqué.


Michel Foucault a comme particularité d'être souvent à contre courant des pensées considérées comme normales à cette époque. Cette originalité est accentuée par sa pensée d'historien. Dôté d'une intelligence assez exceptionnelle, le philosophe est toujours soutenue par les intellectuels. Son Histoire de la Sexualité est une morale qui commence tout d'abord par La Volonté de Savoir écrit en 1976, suivi par L'Usage des Plaisirs et Le Souci de soi. Dans le premier volume, consacré à la Grèce antique, de cette oeuvre, le moraliste écrit : "C'est à partir de l'amour pour les garçons qu'est apparue l'inquiétude sur la sexualité, parce que, contrairement aux femmes qui - épouses ou objets de plaisir - n'avaient pas à être courtisées, les garçons, eux, étaient libres de choisir à qui céder, mais il y a une contradiction entre leur homosexualité d'adolescent et leur future virilité."


Il considère la pédérastie des gens de l'Antiquité (l'amour d'un adulte pour un jeune adulte) comme normal et légitime. Cette liaison n'a rien à voir avec la définition actuelle de l'homosexualité, car l'union de deux hommes du même âge, condamnée dans l'Antiquité, lui apparaît de même impensable de nos jours: "Comment-est-il possible à deux hommes de vivre ensemble, de partager leur chambre, leurs repas, leurs loisirs, leurs chagrins, hors d'une relation institutionnelle de famille. [...]. La vie sexuelle entre deux hommes adultes est impossible".


C'est l'homme sauvage qui parle, l'amoureux fou de la solitude. Et on ne peut lui reprocher de se contredire lorsqu'il affirme à Sylvie Lacan: "Il n'y aura pas de civilisation tant que le mariage entre hommes ne sera pas admis." car, à l'image de sa propre vie sexuelle, il condamne et exclue les couples formés par deux hommes du même âge. Ses amants ont toujours été des adolescents beaucoup plus jeunes que lui.


A la fin de sa vie, Foucault multiplie les rencontres imprévues avec des prostitués masculins, il dit (sincérité ou cynisme?): "Le meilleur moment en amour, c'est quand l'amant part en taxi, c'est une fois l'acte sexuel fini qu'on se rappelle son sourire, la chaleur de son corps, le son de sa voix, c'est le souvenir plus que l'anticipation de l'acte qui joue un rôle important dans la relation homosexuelle. C'est pourquoi les plus grands écrivains homosexuels de notre Culture (Cocteau, Genet, Burroughs) écrivent bien à propos de l'acte sexuel."

En 1981 à New York et San Francisco Foucault découvre, pratique et prône: "La drogue et la subculture sadomasochiste comme création de plaisir." En 1983, il écrit dans son Journal :


"Je sais que j'ai le sida, mais mon hystérie me permet de l'oublier." Lorsqu'il meurt en 1984, le sida est encore tabou. La presse écrira: "Foucault est mort d'un cancer."


L'homosexualité du philosophe est la clé de sa pensée, la raison de son intérêt pour toute minorité persécutée, prisonniers ou malades mentaux. Il voit dans l'homosexualité un pouvoir immoral plus qu'un comportement sexuel : "Les homosexuels ont conscience d'appartenir à un groupe social particulier, à une sorte de société secrète, race maudite ou privilégiée ?"


Il souhaite que les homosexuels assument un rôle politique qui ne doit pas s'arrêter à la libéralisation des lois concernant le choix sexuel. Le concept qui enferme les homosexuels dans la caractéristique de déviants doit être démantelé: "Un professeur homosexuel ne devrait pas poser plus de problèmes qu'un professeur chauve. […] C'est le mode de vie homosexuel, beaucoup plus que l'acte sexuel lui-même, non conforme à la nature, qui inquiète les gens. Croiser un inconnu et s'envoyer en l'air dans le quart d'heure qui suit n'est pas vraiment ce qui choque le pouvoir, mais que deux hommes commencent à s'aimer et souhaitent vivre ensemble, voilà le problème pour l'opinion publique car cela perturbe le modèle social, l'institution du mariage étant prise à contre pied."


Même si le philosophe construit son univers en contradiction avec les valeurs chrétiennes, il n'est cependant pas d'accord sur le fait que ce soit la chrétienneté qui soit en cause dans la répression de l'homosexualité. Il ne nie pas la répression, il la déplace historiquement.


Selon Foucault, les pratiques sexuelles bénéficient d'une certaine tolérance au XVIIIème siècle, tant qu'elles se limitent à une simple rencontre physique discrète par exemple dans les bains publics. Cette affirmation doit tout de même être nuancée : certes tout était permis aux grands seigneurs - Monsieur, frère de Louis XIV, donnait l'exemple, mais la police de l'époque traquait et envoyait à La Bastille les hommes du peuple, pris en pleine action dans les jardins des Tuileries, et le dernier bûcher fut dressé à Paris le 3 juillet 1750 pour Jean Diot, domestique âgé de quarante ans, surpris en train de sodomiser Bruno Lenoir, cordonnier âgé de vingt ans.

Néanmoins Foucault affirme que c'est seulement le 19ème siècle bourgeois et optu d'esprit qui est devenu moraliste.


Pour écrire toutes ses oeuvres, le philosophe puise son inspiration dans les expériences de sa vie: "Mes livres ont toujours été mes problèmes personnels avec la folie, la prison et la sexualité." Il refuse l'obligation du "bon sexe" qui est imposé par le bon pouvoir, l'asservissement et l'enfermement dans un système de pensée bien précise. Il est l'archéologue de sa propre existence. Il ne veut pas se considérer comme à l'aise avec ses convictions car il estime que chacun à sa vision de l'évidence. Il demeure le philosophe contemporain le plus célèbre du XXème siècle.


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